Quelle citoyenneté numérique?

Prière d’envoyer quelques fleurs ” (La Presse) dénonce la haine répandue sur les réseaux sociaux au point que des élu.e.s démissionnent ou ne souhaitent pas reconduire leur mandat. Barbara Kellerman (Harvard) croit que l’excès de critiques à l’égard des élus accélère l’émergence de leaders autoritaires qui se moquent de l’opinion citoyenne. Du coup, elle craint la disparition des leaders qui entretiennent un dialogue constant avec leurs électeurs. De son côté, l'Union de municipalités du Québec (UMQ) a lancé la campagne " La démocratie dans le respect, par respect pour la démocratie ".

John R. Allen (homme de confiance de l’ex-président américain Barack Obama) a déclaré que d’une certaine façon, les géants du numérique font la même chose que les régimes autoritaires, et que, confrontées à la double ascension d’une « surveillance capitaliste » et d’un « autoritarisme numérique », les démocraties libérales sont encore lentes à prendre la mesure de la menace qui pèse sur elles.

Les notions de citoyen et de démocratie sont-elles en train de disparaître dans les octets du cyberespace?

L’État du Québec 2020 (INM) définissait la démocratie comme un des enjeux des années 2020 avec l’urgence climatique. La participation électorale — notamment celle des jeunes — décline, la diversité de l’information est en péril, la confiance des citoyens à l’égard des institutions est faible, et les fausses nouvelles pullulent sur le Web.

Dans son discours de 2017 , Karina Gould (ministre canadienne des Institutions démocratiques) mentionne qu’une démocratie est forte à la mesure des citoyens qui la composent. La démocratie peut véritablement s’épanouir lorsque la société est au service des personnes qui la constituent, que divers points de vue y sont représentés et que ses citoyens estiment qu’ils peuvent participer à la vie démocratique.

La très belle analyse “ Cyberdémocratie et démocratie participative ” de Jocelyn Ziegler (2016) propose plusieurs éléments intéressants, j’en ai retenu trois :

  • Selon Mark Poster , l’Internet donne l’illusion d’échanger avec différentes opinions, différentes personnes, mais c’est juste une utopie, car les internautes se parlent surtout à eux-mêmes. Au-delà de la fausse information, c’est la notion de "bulle de filtre" qui est aussi dangereuse. L'algorithme des réseaux sociaux crée une espèce d'illettrisme numérique. Seul un réaménagement des rapports entre l’État et les citoyens sur l’espace numérique permettrait d’arriver à une réelle démocratie participative sur Internet.

  • En 2011, “L’introduction à un processus de décision par l’intelligence collective en cyberdémocratie” de l’ European Center for Collective Intelligence révèle que pour participer à la démocratie participative, par le numérique, il faut savoir lire et écrire et avoir accès au numérique. À ces deux incontournables s'ajoutent : l’accès aux équipements, les usages, les performances et les processus d’apprentissage. Autant de barrières qui peuvent exclure de nombreux citoyens.

  • Pour Pierre Rosanvallon , la cyberdémocratie n’est pas une démocratie participative, mais plus une « contre-démocratie ». En effet, Internet devrait être un outil qui permet la prise de parole, le débat et le rassemblement. Or, d’une part, la prise de parole apparaît individuelle et organisée de façon à ne pas être entendue. D’autre part, le cyberespace est un lieu échappatoire du débat, chaque internaute restant sur sa position. Enfin, le cyberespace apparaît comme un lieu de division, un lieu d’insultes où l’étranger aux idées du groupe n’est pas accepté, pas écouté et rejeté.

Je m’en voudrais de passer à côté de la prise de parole de l’intelligence artificielle capable de générer des textes quasi parfaits sur le plan syntaxique, relativement cohérents à l’échelle d’un paragraphe, dans la tonalité d’un fragment fourni comme point de départ et de s’adapter à de multiples contextes. Une capacité extraordinaire, mais qui vient avec la possibilité d’inonder le monde de milliards de textes factices ou de fake news .

Karina Gould se demande alors comment changer ça? Comment tirer le meilleur du numérique? Quels seront les outils et les mécanismes qui permettront aux citoyens d’exercer leur pouvoir démocratique? Comment les élu.e.s et les citoyen.ne.s peuvent s’adapter aux transformations et aux attentes de l’ère numérique? Que pouvons-nous faire pour empêcher l’information trompeuse de former nos opinions? De quelle manière les gouvernements, le secteur privé, les médias et les plateformes en ligne peuvent-elles collaborer pour améliorer la façon dont nous nous mobilisons en tant que citoyens et pour engager un sain dialogue sur les questions qui nous tiennent le plus à cœur?

Quelques initiatives sont nées pour répondre à certaines de ces questions.

Plusieurs sont pédagogiques :

D’autres permettent la participation citoyenne :

...réduisent la “bulle de filtre” :

...stimulent des collaborations constructives :

Le numérique est un outil que les personnes, les institutions et les gouvernements doivent se réapproprier pour un meilleur contrôle autant sur les données personnelles que sur la qualité des contenus. C’est à cette condition que les notions de citoyen et de démocratie pourront s’épanouir dans le cyberespace.

Image extraite du site Haute école pédagogique de Fribourg (Suisse) sur "La citoyenneté numérique comme finalité de l’éducation publique numérique". Interprétation du modèle des neuf éléments du « digital citizenship » proposé par Ribble (2011).

Merci à Carole Philibien de Jalon Mtl pour ses références.

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Jerry Espada 11 juin 2021 à 13:22

Richard Khoury, de l’Université Laval, et son équipe travaillent sur un algorithme qui pourrait permettre d'anticiper le dérapage des conversations le plus rapidement possible, sans pour autant nuire aux conversations légitimes.
https://theconversation.com/un-outil-dia-pourrait-prevenir-les-conversat...

Ses travaux ont notamment permis de découvrir qu'il en faut très peu pour qu'une conversation bien partie tourne au vinaigre. «Il faut au moins quatre ou cinq mots positifs pour maintenir une conversation polie, mais il suffit d’un ou deux mots négatifs pour que ça dérape», observe le chercheur, qui a aussi découvert que le ton d’une conversation peut changer radicalement en moins de trois messages, «ce qui veut dire que l’on dispose de quelques secondes seulement pour intervenir avant qu’une conversation polie au départ ne devienne toxique».

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Jerry Espada 9 juin 2021 à 16:37

"Jouer pour s’immuniser contre la désinformation"
https://www.quebecscience.qc.ca/sante/jouer-contre-desinformation/

Le jeu en ligne Go Viral! https://www.goviralgame.com/fr se veut un vaccin contre la désinformation. Il permettrait de générer des « anticorps mentaux » pour nous rendre plus résistants à l’attrait des fausses nouvelles.

C’est ce qu’on appelle le pre-bunking, une méthode issue de la théorie psychologique de l’inoculation. « L’idée est de construire une résistance psychologique ou une résilience contre une exposition future à la désinformation », dit Jon Roozenbeek, chercheur postdoctoral en psychologie au Social Decision-Making Lab de l’Université de Cambridge, en entrevue avec Québec Science.

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Jerry Espada 2 juin 2021 à 15:58

"Peut-on détecter des fake news automatiquement?"
https://theconversation.com/peut-on-detecter-des-fake-news-automatiqueme...

Les types des fake news se renouvellent sans cesse, ce qui entraîne une course de vitesse entre les « producteurs de fake news », et ceux qui essaient de les traquer. En pratique, le seul modèle qui fonctionne à peu près est celui où l’humain reste au cœur du processus.

Certes, les fake news peuvent être détectées par un suivi actif des modérateurs, qui occupent une place de plus en plus importante pour les plateformes, mais ces dernières hésitent. En effet, si elles n’agissent pas, on les accuse de contribuer à la crise de confiance au sein des sociétés modernes. Si elles agissent trop, on les accuse de s’immiscer dans le débat public et de s’accorder un pouvoir trop prononcé. Les plateformes ont alors beau jeu d’en appeler à la régulation de la part des États.

L'enjeu n'est-il pas ailleurs? Les fake news révèlent qu’une part non négligeable de la population est prête à croire n’importe quelle fable, aussi farfelue soit-elle. La défiance à l’égard des autorités, politiques et médiatiques notamment, est telle que n’importe quelle vérité alternative est bonne à prendre. Dans ce contexte, il n’y a sans doute pas d’autre solution que d’essayer de faire primer les faits sur les fables, mais rétablir la confiance sera assurément un processus long et difficile.

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Jerry Espada 14 mai 2021 à 12:05

#VraimentVrai - Comment vérifier l’information en 4 capsules vidéo?
https://www.sciencepresse.qc.ca/vraimentvrai-info?utm_source=Abonnement+...

Des journalistes spécialisés en désinformation ou en science partagent leurs réflexions sur leur métier et des trucs pour vérifier l’information.

En complément :

* "30 secondes avant d'y croire", des trucs pour aiguiser son esprit face à une information.
https://30secondes.org/module/prend-30sec-avant-dy-croire/

* Outils et ressources de l'Agence Science-Presse avec notamment : "Comment dépister la désinfo"
https://www.sciencepresse.qc.ca/outils-et-ressources?utm_source=Abonneme...

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Jerry Espada 13 mai 2021 à 9:08

Un site intéressant pour les jeunes : "Réfléchis quand tu publies!".
http://www.reflechisquandtupublies.ca/?fbclid=IwAR3O_yeaECQpnDmupFPR8f_y...

Ma publication est-elle questionnable ou dénigrante? Quels seraient les impacts de ma publication sur les autres et sur moi-même? Expériences interactives sur les mots qui blessent. Etc.
Des prises de conscience autant pour les jeunes que pour les adultes. On applaudit l'initiative!

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Jerry Espada 21 avril 2021 à 11:30

L'Université Laval et l’Université Concordia ont exploré l’agentivité collective numérique comme compétence essentielle pour aider à contrecarrer les hypertrucages (deepfakes).
https://theconversation.com/infocalypse-la-propagation-des-hypertrucages...

Les hypertrucages sont des enregistrements audio et vidéo de personnes réelles prononçant et exécutant des choses qu’elles n’ont jamais dites ou faites, créés à l’aide des algorithmes d’apprentissage automatique.

L’agentivité humaine est notre capacité d’influencer le cours des événements et notre environnement par nos actions. Ceci implique l’intentionnalité, la capacité de se projeter dans le futur, l’autoréactivité et l’autoréflexivité.

Appliquée au numérique, cette compétence implique le passage de l’observation passive des partages de deepfakes sur les réseaux sociaux à l’adoption active de stratégies en ligne pour dénoncer ces tromperies et les contrer par des faits.

Un constat : il y a grande urgence pour la formation à la désinformation dès l’école primaire.

Trouver des solutions à la désinformation au-delà des interventions proposées par les géants d’internet, comme désactiver de faux comptes et retirer de contenus trompeurs, est primordial et vital pour l’humanité.

En complément sur CScience : L’IA risque-t-elle de renforcer la désinformation?
http://www.cscience.ca/2021/04/16/comment-lia-risque-t-elle-de-renforcer...

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Jerry Espada 7 avril 2021 à 10:15

Ce sujet ne manque pas d'écrits. Dans son dossier "Démocratie sous attaque" Québec Science présente plusieurs articles dont "Numérique et démocratie: mariage heureux?".
https://www.quebecscience.qc.ca/partenariat/numerique-democratie-mariage...

Extrait

"C’est quelque chose qu’on voit partout en Occident : il y a une irrésistible vague de fond en faveur du développement de la littératie numérique, se réjouit Normand Landry. Un danger guette cependant : celui de façonner à la chaîne de bons travailleurs de la société du savoir plutôt que de former des citoyens éthiques, responsables et capables d’esprit critique.

La nuance est fondamentale! Il y a pourtant lieu de s’inquiéter lorsqu’on voit les géants du numérique s’insérer dans ce débat avec les moyens qui sont les leurs, affirme le chercheur. En effet : que penser d’une campagne qui enseigne les algorithmes aux jeunes, mais qui est financée en partie par Microsoft?

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Numérique et données - Enjeux, leviers et stratégies
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Intégré par Équipe En commun, le 12 avril 2023 09:15
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Réfléchir et analyser, Citoyenneté numérique, civisme numérique

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6 avril 2021

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17 février 2023 09:12

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