Si le bilan de la gestion de la crise reste à faire, des constats émergent déjà et permettent de réfléchir aux suites.
- La solidarité pour la survie de l’humanité
Félix Gadoua avance l’idée que : « C’est cette thèse (de la sélection naturelle) qui semble guider certains décideurs qui préconisent une stratégie fondée sur l’acquisition d’une immunité collective rapide, quitte à accumuler les mortalités, plutôt qu’une approche cherchant d’abord à protéger les plus vulnérables en s’assurant de pouvoir offrir des soins adéquats. Ce « néolibéralisme de l’épidémiologie » nous confronte aux limites de la solidarité dans une société valorisant d’abord l’individualisme. »
- Pour que plus jamais…
Dans le cadre de la crise actuelle, Maria De Koninck dénonce l’impréparation du gouvernement, le fardeau imposé au personnel de la SSS et aux personnes vulnérables, la centralisation des pouvoirs décisionnels au détriment des gens de terrain… Elle considère qu’à l’avenir, il sera capital que les décisions soient prises «de façon collective pour mettre à profit les savoirs de toutes les catégories de travailleuses et travailleurs de la santé et des services sociaux, des organismes communautaires et des communautés elles-mêmes ».
- Et si on faisait le pari du long terme ?
Djéllil Bouzidi considère qu’un pays comme la Corée du Sud a su mieux résister à la crise grâce à son rapport au temps long : « C’est dans ce rapport au temps long que se bâtit la résilience. Mieux vaut comprendre, apprendre, gérer ses risques et s’adapter, qu’optimiser et privilégier l’efficience et l’immédiat. »
- La promesse d’un changement?
Selon C. Roux-Dufort, « Dans une crise, on n’a pas d’outils. On est en zone inconnue et c’est déstabilisant pour les gestionnaires. » Carole Lalonde ajoute : « Ce qui complique les crises consensuelles (plus faciles que celles conflictuelles), c’est que nous avons tendance à oublier les populations marginalisées. » Pour Thierry Pauchant, il faut adopter « une gestion préventive, qui encourage la préparation mais qui est très difficile à défendre politiquement. (…) au lieu de constituer des stocks qui risqueraient de ne pas être les bons, il serait préférable d’échafauder un système capable (…) de produire l’essentiel selon les circonstances. »
- Le coup de gueule du philosophe André Comte-Sponville sur l'après-confinement
Comte-Sponville affirme : "C'est une société, une civilisation qui demande tout à la médecine. En effet, la tendance existe depuis déjà longtemps à faire de la santé la valeur suprême et non plus de la liberté, de la justice, de l'amour qui sont pour moi les vraies valeurs suprêmes. »
- Vers une politique pour les personnes âgées
Après avoir retracé l’évolution des CHSLD, Claude Castonguay formule 2 propositions pour l’après-pandémie : 1) se préparer aux prochaines crises : « Il sera notamment nécessaire d’identifier les actions prises dans les pays et les juridictions démocratiques qui ont réussi à contrôler l’étendue de l’épidémie et limiter les dommages. »; 2) développer les services à domicile et, en parallèle, « réorienter les CHSLD vers leur mission hospitalière de traitement des personnes aux prises avec une perte d’autonomie. De reconfirmer les CLSC dans leur mission première(..). De favoriser le développement de centres de jour. De reconnaître le statut des aidants naturels et leur droit à une rémunération financière... »
- Sortie de crise et nationalisations: où trouver l’inspiration?
Pour Philippe Hurteau, “en aucune circonstance, un centre d’hébergement ne devrait être laissé entre les mains d’un promoteur privé et, souhaitons-le, l’actuelle catastrophe sera mise à contribution afin de régler cette aberration.” Selon lui, un projet de nationalisation d’entreprises doit notamment être accompagné d’une démocratisation interne.
Les gouvernements ont amorcé la relance, dans un contexte où les marges de manoeuvre sont réduites.
- Naomi Klein analyse la crise du coronavirus : "L’austérité sera la facture à payer."
Klein pense que le scénario de 2008 va se répéter. Après la crise financière, « ce sont les classes moyennes qui ont payé la facture. Nous devons profiter du confinement pour préparer la mobilisation et un autre modèle économique. »
- Le repli n’est pas la solution
J.R. Sansfaçon prend position : « Ce que l’on peut prévoir, c’est qu’à cause de l’augmentation extraordinaire des dettes publiques, le débat acrimonieux qui oppose la droite et la gauche ressurgira avec vigueur. Ceux qui s’imaginent que la presque nationalisation de l’économie en ces temps de crise est le présage d’une société plus solidaire risquent d’être déçus ».
- Thomas Piketty : «Pour faire face à la crise du Covid, il faut créer un nouvel impôt sur la fortune»
Pour une relance qui réduit les inégalités et de finance la transition écologique, il faudra plus que les sommes déjà annoncées, et cela passe par une “taxation lourdement progressive des hauts revenus, des patrimoines, mais aussi des émissions carbone”, selon Thomas Piketty
- Redémarrer l’économie : l’heure des choix approche
Jérôme Lussier propose 3 visions du rôle de l’État face à la relance économique : le statu quo, la relance du marché ( i.e. «faire des choix — mais de faire dépendre ceux-ci de critères économiques et comptables… le gouvernement abdique (alors) son rôle de gardien de l’intérêt public pour lui substituer celui d’investisseur», ou la relance durable qui ajoute des critères sociaux et environnementaux à ceux purement économiques.
- Investissement public: jamais plus comme avant… vraiment?
Les projets d’infrastructures sont accélérés au nom de la relance. C’est un autre bon exemple de "fuite en avant" selon Gérard Beaudet, qui propose un changement de cap, notamment au travers la remise en état des bâtiments et des infrastructures.
- Chantiers pour reconstruire l’économie
Julia Posta précise le contenu de 3 chantiers qu’elle propose pour l’après-pandémie : Reconstruire le filet social; rebâtir l’économie sur de nouvelles bases; mettre la finance au service de l’économie. Puis elle critique François Legault car il « aurait mis sur pied une « escouade » dédiée à la relance économique, laquelle serait composée de (4 ministres à vocation économique). Le fait que le ministre de l’Environnement et la ministre de la Santé et des Services sociaux ne fassent pas d’emblée partie de ce groupe en dit long sur la vision de l’économie qui anime le gouvernement de la CAQ. »
- Philip Mirowski : «L’après ne sera pas favorable à une société de gauche, mais à une accélération des mesures néolibérales»
Mirowski se montre sceptique quant à l’avènement d’une société plus écologique, plus juste, etc. En effet selon lui « les industries se préparent à mettre les bouchées doubles pour combler le retard, annoncent qu’il va falloir travailler plus et demandent des subventions colossales. » La fortune cumulée des milliardaires américains aurait augmenté. De plus, « les crises focalisent notre attention sur des problèmes urgents de court terme à gérer, permettant aux néolibéraux mieux organisés de mettre en place le modèle de société qu’ils souhaitent : un marché moins régulé, devenu une institution autonome. »
- Gauche et droite en temps de coronavirus
Après avoir vertement critiqué divers gouvernements autoritaires (chinois, russe, hongrois, israélien, bolivien, etc.), Mariano Schuster relève certains défis propres aux pays d’Europe de l’Ouest. Il insiste sur le haut potentiel d’une approche socialiste réinventée : « celle qui pense en termes d'État et de bien-être dans la démocratie, faisant appel à des sociétés civiles solides, capables de produire un nouveau contrat social global afin de faire face à la peur ».
- Pour une forme renouvelée de coopération internationale
Afin de réagir positivement à la crise actuelle, Louise Arbour recommande : « … le Canada devrait mettre sur pied une Commission multipartite destinée à redéfinir et à promouvoir un multilatéralisme ambitieux et réaliste. »
Chacun se sent interpelé et les pistes d'action sont nombreuses (voir les prochaines sections).
- Etienne Klein : "Et si l'idée de fin du monde n'existait plus ?"
Etienne Klein "décrypte les paradoxes qu'induit le Covid-19 "quant à notre rapport au temps, à l'urgence, aux avancées médicales comme au monde de demain : "tout d'un coup, chacun est invité à penser le monde de demain et c'est peut-être la seule chose qu'on peut mettre au crédit positif du virus : en quelques semaines, par une sorte d'effet paradoxal de la catastrophe en cours, le coronavirus a renversé la flèche du temps."
- Anaïs Barbeau-Lavalette : Ça suffit !
Voici 3 citations de A.B. Lavalette tirées d’une entrevue : «… le vrai courage politique, le temps de s’inscrire dans l’histoire, c’est maintenant. Je ne dis pas que c’est facile, mais c’est à la portée des politiciens (…), pour assurer la survie non seulement de l’espèce humaine, mais de ce qui nous entoure. »; « C’est l’ère de la désobéissance civile. Ça va devenir une obligation. Si on obéit, on ne s’en va pas dans le bon sens »; « peut-on être à la fois mère et révoltée ? (oui…) L’un peut nourrir l’autre. Il faut jute inventer comment? »
- Le bonheur est dans l’après
Nicolas Martin désire « mettre en avant quelques automatismes psychologiques qui (…) sont néfastes à notre bonheur personnel et au bien commun: l’avidité, l’animosité, les convictions et la construction sociale. » L’auteur s’exprime sur chacun d’eux.
- Cent ans de crise - Yuk Hui
« C’est l’un traits singuliers de cette « crise du coronavirus » que chacun y voit la confirmation de ce qu’il a toujours pensé : la gauche qu’il faut donc urgemment sauver le service public, les néo-libéraux que la bureaucratie étatique ne sert à rien même pour gérer pareille crise, les écologistes qu’il fallait arrêter de détruire la nature sous peine de catastrophe, les fous de technologie que l’unique solution consiste à accélérer pied au plancher dans la virtualisation et le contrôle cybernétique de tout…» À lire par les amoureux de philosophie.
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